JLAR  1999

 

 

 

Sommaire

 

Session pleinière

LES AGENTS DE LA CINETIQUE RAPIDE

LES AGENTS HALOGENES

Auteurs : P. FEISS

Service d'Anesthésie-Réanimation Hôpital Universitaire Dupuytren 2, avenue Martin Luther King 87042 LIMOGES CEDEX

 

Résumé

    La rapidité du réveil dépend de la dose d'agent anesthésique administrée et de la rapidité de son élimination, soit sous forme inchangée, soit après métabolisme. La quantité d'agent administrée dépend elle-même de la durée de l'anesthésie et du volume de distribution, donc de la solubilité de l'agent dans les tissus.

    Les agents halogénés les plus récents comme le Sevoflurane et le Desflurane ont une solubilité dans le sang et les tissus plus faible que leurs prédécesseurs (tableau 1). Leur liposolubilité est également plus faible. La faible solubilité favorise une croissance rapide de la concentration alvéolaire pendant l'induction et inversement, une décroissance rapide après l'arrêt de l'administration. Ainsi, le rapport FA/FO (FO : dernière concentration avant l'arrêt de l'agent halogéné) mesuré au bout de cinq minutes est de 0,14 ± 0,02 pour le Desflurane, 0,16± 0,02 pour le Sévoflurane, 0,22±0,02 pour l'Isoflurane et 0,25±0,02 pour l'Halothane (1). La moindre solubilité du Sévoflurane et du Desflurane favorise une élimination plus rapide mais s'accompagne d'une moindre puissance. La concentration alvéolaire minimale des agents halogénés est d'autant plus élevée que leur liposolubilité est faible. Le délai de réveil pour les agents peu solubles comme le Sévoflurane et le Desflurane est indépendant de la durée de l'anesthésie et de la concentration alvéolaire alors qu'il augmente pour l'Isoflurane et l'Halothane (2).

Pour la chirurgie de courte durée, les agents de cinétique rapide ont un délai de réveil significativement plus court, mais l'avantage clinique n'est pas évident. En effet, après chirurgie ambulatoire, les patients qui reçoivent du Desflurane ouvrent les yeux au bout de 5,1±2,4 minutes contre 10,2±7,7 minutes après Isoflurane (3). L'avantage des agents de cinétique rapide est d'autant plus important que l'anesthésie est longue. Pour des durées d'anesthésie de 296±111 minutes, l'ouverture des yeux est observée après 12±7 minutes avec le Desflurane contre 24±11 minutes avec l'Isoflurane. L'extubation est possible à 16±6 minutes contre 33±13 minutes et les patients donnent leur date de naissance à 23±15 minutes après Desflurane et à 44±21 minutes après Isoflurane (4).

La rapidité du réveil n'est pas le seul avantage lié aux agents peu solubles. En effet, la faible solubilité permet de faire varier rapidement la concentration alvéolaire pendant l'anesthésie. La faible solubilité entraîne une égalisation plus rapide des concentrations délivrée et alvéolaire. Il est donc possible de faire varier rapidement la concentration alvéolaire sans augmenter le débit de gaz frais pendant l'anesthésie.

La rapidité de la croissance de la concentration alvéolaire peut-être mise à profit pour pratiquer l'induction avec ces agents. Cependant, le Desflurane est trop irritant pour permettre l'induction au masque. Le Sévoflurane autorise l'induction au masque rapide chez l'enfant mais aussi chez l'adulte (5).

L'indication des agents de cinétique rapide est donc plutôt réservée à l'anesthésie de longue durée car le réveil est significativement plus rapide. Cependant, il y aura intérêt à choisir celui des deux agents qui est le moins onéreux et le moins toxique. Pour cette indication, le Desflurane, très faiblement métabolisé, bénéficie d'un avantage certain. En effet, la production d'ions fluor et de composé A, même si leur toxicité n'est pas démontrée, devrait faire écarter le Sévoflurane de l'anesthésie de longue durée à bas débit de gaz frais. Par contre, cet agent est intéressant pour la chirurgie de durée brève ou moyenne car il permet de faire l'induction et l'entretien chez l'enfant comme chez l'adulte et permet de mettre en place un masque laryngé ou d'intuber dans de bonnes conditions.

Les nouveaux agents halogénés permettent un retour plus rapide de la conscience, mais le réveil rapide ne peut s'envisager qu'en l'absence d'hypothermie, de curarisation résiduelle ou de dépression respiratoire par les opioïdes.

 

Halothane

Enflurane

Isoflurane

Sévoflurane

Desflurane

l sang/gaz

2,5

1,8

1,4

0,69

0,42

l huile/gaz

224

96,5

90,8

47,2

18,7

CAM en O2 pur (%)

0,75

2,0

1,15

2,0

6 à 7,5

CAM avec 60 % N2O (%)

0,29

0,6

0,5

0,66

4,0

Tableau 1 : Solubilité et puissance anesthésique des agents halogénés


REFERENCES
1 - Yasuda N, Lockhart SH, Eger E I II, Weiskopf RB, Johnson BH, Freire BA, Fassoulaki A
Kinetics of Desflurane, Isoflurane and Halothane in humans.
Anesthesiology 1991 ; 74 : 489-98

2 - Eger E I II :
Desflurane animal and human pharmacology : aspects of kinetics, safety and MAC.
Anesth. Analg. 1992 ; 75 : 53-9

3 - Ghouri AF, Bodner N, White PF
Recovery Profile after Desflurane-nitrous oxide versus Isoflurane-nitrous oxide in out patients.
Anesthesiology 1991 ; 74 : 419-24

4 - Beaussier M, Deriaz H, Abdelhalim Z, Aissa F, Lienhart A
Comparaison du réveil après anesthésie de longue durée par Desflurane ou Isoflurane.
Ann. Fr. Anesth. Réanim. 1996 ; 15(suppl.) : R 016

5 - Nathan N, Peyclit A, Lahrimi A, Feiss P
Comparison of Sevoflurane and Propofol for ambulatory anaesthesia in gynaecological surgery
Can. J. Anaesth. 1998 ; 45 : 1148-50